CÉRÉMONIE D'INTRONISATION
Le soleil se lève sur la grande place de la chefferie Mbouda. Des centaines de personnes se rassemblent. Les femmes portent des pagnes colorés. Les hommes arborent des bonnets traditionnels brodés d'or.
Les tambours résonnent. *Boom-boom-boom.
Ngozi avance lentement vers le trône ancestral. Sa robe rouge sang traîne sur le sol poussiéreux. Ses bijoux en or scintillent sous la lumière matinale. Elle garde le dos droit. Son visage ne trahit aucune émotion.
La foule scande son nom : "Ngozi ! Ngozi ! Ngozi !"
Le chef traditionnel, un vieil homme aux cheveux blancs, lève sa canne sculptée. Le silence tombe d'un coup.
"Ngozi Mbouda, fille de notre terre, héritière de nos ancêtres..."
Sa voix porte au-delà de la place. Chaque mot résonne comme un serment.
"Tu prends aujourd'hui la place qui te revient de droit."
Il pose la couronne traditionnelle sur sa tête. Les perles cliquettent doucement.
Ngozi ferme les yeux un instant. Ses lèvres tremblent imperceptiblement. Puis elle les rouvre. Son regard est déterminé.
"J'accepte cette responsabilité," dit-elle d'une voix claire.
La foule explose en cris de joie. Les tambours reprennent de plus belle.
FLASHBACK : LE SECRET
Deux ans plus tôt.
L'hôpital central de Bafoussam. Les murs blancs sentent l'antiseptique. Ngozi est assise sur le lit d'examen. Ses mains tremblent sur ses genoux.
Le docteur Kamga referme le dossier médical. Ses lunettes glissent sur son nez.
"Je suis désolé, Mademoiselle Mbouda. Les examens sont formels."
Ngozi se redresse brusquement. "Qu'est-ce que vous dites ?"
"Vous ne pourrez pas avoir d'enfants. Jamais."
Le mot *jamais* résonne dans la pièce silencieuse.
Ngozi se lève d'un bond. La chaise grince contre le carrelage. Elle fait les cent pas devant la fenêtre. Ses talons claquent sur le sol.
"Il doit y avoir une erreur. Refaites les tests."
"Nous avons déjà vérifié trois fois. Je suis vraiment désolé."
Ngozi s'arrête net. Son reflet dans la vitre la fixe. Ses yeux se remplissent de larmes qu'elle refuse de laisser couler.
CONSEIL DE MAMA NDJOCK
La case de Mama Ndjock. L'odeur de l'encens flotte dans l'air. Des masques traditionnels ornent les murs. Une seule bougie éclaire la pièce.
Mama Ndjock, soixante-dix ans, assise sur sa natte tressée, écoute en silence. Ses yeux perçants ne quittent pas Ngozi.
"Mama, que dois-je faire ? Si la famille apprend que je suis stérile..."
"Tais-toi !" Mama Ndjock frappe le sol avec son bâton. "Personne ne doit savoir."
Ngozi s'agenouille devant la vieille femme. "Mais comment cacher ça ?"
"Tu vas te marier. Vite. Et tu trouveras un moyen."
Les rides profondes de Mama Ndjock se creusent davantage. Elle se penche vers Ngozi.
"Notre famille a survécu à bien pire. Cette malédiction ne nous détruira pas."
Elle saisit le menton de Ngozi entre ses doigts noueux.
"Tu es une Mbouda. Nous ne montrons jamais notre faiblesse."
LA CÉRÉMONIE DE MARIAGE
La cathédrale Saint-Pierre de Dschang. Mille bougies illuminent les vitraux colorés. L'orgue joue la marche nuptiale.
Ngozi remonte l'allée centrale au bras de son oncle. Sa robe blanche à traîne de trois mètres fait murmurer l'assemblée. Son voile brodé de perles cache à peine son sourire parfait.
Au pied de l'autel, Komé l'attend. Costume noir impeccable. Cravate dorée. Ses cheveux sont parfaitement coiffés. Il sourit, mais ses yeux restent froids.
Dans les derniers rangs, un homme en costume gris observe la scène. C'est Ekane, le visage marqué par une cicatrice sur la joue gauche. Il croise le regard de Komé.
Un clin d'œil rapide. Discret. Personne ne le remarque.
Le prêtre ouvre son livre. "Mes bien-aimés, nous sommes réunis aujourd'hui..."
Komé glisse l'alliance à l'annulaire de Ngozi. Le métal froid contre sa peau la fait frissonner.
"Vous pouvez embrasser la mariée."
Komé se penche. Leurs lèvres se touchent. L'assemblée applaudit.
Mais dans ce baiser, Ngozi ne sent aucune passion. Aucune tendresse.
Juste du calcul.
LA NUIT DE NOCES
La suite nuptiale de l'hôtel Mont Fébé. Champagne dans un seau à glace. Pétales de roses rouges sur le lit king-size. La lune éclaire faiblement la chambre à travers les rideaux de soie.
Ngozi sort de la salle de bain. Elle porte une nuisette blanche transparente. Ses mains tremblent légèrement.
Komé, torse nu, l'attend assis au bord du lit. Il boit une coupe de champagne.
"Tu es magnifique," dit-il d'une voix neutre.
Ngozi s'approche lentement. Chaque pas lui demande un effort.
"Komé... je..."
Il pose sa coupe sur la table de nuit. Se lève. La prend dans ses bras.
"Nous avons toute la vie devant nous."
Ses mains caressent ses épaules. Elle se raidit instinctivement.
"Détends-toi," murmure-t-il à son oreille.
Mais quand il l'embrasse dans le cou, Ngozi ne peut s'empêcher de reculer.
"Excuse-moi... je... j'ai besoin d'un moment."
Elle s'échappe vers la fenêtre. Ses mains agrippent le rebord jusqu'à ce que ses jointures blanchissent.
Komé l'observe en silence. Son visage ne trahit aucune déception.
Au contraire.
Un sourire presque imperceptible étire ses lèvres.
"Prends ton temps, ma chérie. Nous ne sommes pas pressés."
Il se dirige vers la salle de bain. Ferme la porte derrière lui.
Ngozi reste seule face à la nuit. Son reflet dans la vitre lui renvoie l'image d'une femme brisée.
Elle ne sait pas encore que son mari sourit dans le noir.
Son plan fonctionne parfaitement.
Fin du Premier épisode
A suivre