Les Larmes de la Mifi Episode 2 L'Espionne Malgré Elle

Rédigé le 15/11/2025
Marlène Megoué


 

L'ARRIVÉE D'ADJOA

Le taxi jaune crache une fumée noire. Il s'arrête devant les grilles dorées de la villa Mbouda. Le moteur tousse avant de s'éteindre.

Adjoa descend. Sa valise en carton tombe sur le gravier. Ses yeux s'écarquillent.

La villa s'élève sur trois étages. Marbre blanc. Colonnes grecques. Jardins parfaitement taillés. Une fontaine centrale crache de l'eau cristalline.

"Waouh," souffle-t-elle.

Sa bouche reste ouverte. Elle fait trois pas en arrière. Manque de trébucher sur sa valise.

Le gardien en uniforme bleu marine ouvre les grilles. Elles grincent sur leurs gonds dorés.

"Mademoiselle Adjoa ?"

Elle hoche la tête rapidement. Ses cheveux tressés dansent autour de son visage.

"Madame vous attend."

Adjoa ramasse sa valise. La poignée claque. Elle suit le gardien sur l'allée pavée. Ses sandales en plastique couinent à chaque pas.

Les portes d'entrée s'ouvrent sur un hall gigantesque. Lustre en cristal. Escalier en marbre avec rampe dorée. Tableaux dans des cadres dorés.

Adjoa s'arrête net. Sa valise heurte le sol.

"Mon Dieu..."

 

RETROUVAILLES

Clac-clac-clac.

Les talons de Ngozi résonnent sur le marbre. Elle descend l'escalier. Robe rouge moulante. Bijoux qui scintillent. Sourire parfait.

"Ma petite sœur !"

Elle ouvre les bras. Adjoa court vers elle. Leurs corps s'entrechoquent dans une étreinte.

"Ngozi ! Tu es... tu es si belle !"

Ngozi la tient à bout de bras. L'examine de haut en bas. Sa robe simple en wax. Ses sandales usées. Ses mains calleuses.

"Et toi, tu as grandi. Tu es une vraie femme maintenant."

Adjoa rougit. Baisse les yeux.

"Viens, je vais te faire visiter."

Elles traversent le salon. Canapés en cuir blanc. Table basse en verre. Télévision géante accrochée au mur.

"C'est ici que nous recevons les invités."

La salle à manger. Table en acajou pour douze personnes. Vaisselle en porcelaine dans une vitrine éclairée.

"Et là, nous prenons nos repas."

Adjoa touche tout. Les tissus soyeux. Le bois lisse. Les objets d'art.

"Tout est si... précieux."

 

LE BUREAU DE NGOZI

La porte se ferme avec un déclic. Ngozi s'assoit derrière son bureau en ébène. Ordinateur portable ouvert. Téléphone fixe. Stylos en or dans un pot en marbre.

Adjoa reste debout. Se tord les mains.

"Assieds-toi."

Elle obéit. Le fauteuil en cuir grince sous son poids.

"J'ai une proposition pour toi."

Ngozi ouvre un tiroir. Sort un contrat déjà tapé.

"Je veux que tu travailles ici. Comme assistante personnelle."

Adjoa se penche. Ses yeux parcourent le document. Les chiffres la font sursauter.

"Tant d'argent ? Pour faire quoi ?"

"M'aider dans mes affaires. Gérer mon agenda. Recevoir mes invités."

Ngozi glisse le contrat vers elle. Le papier crisse sur le bois.

"Tu acceptes ?"

"Bien sûr ! Merci, grande sœur !"

Adjoa saisit le stylo en or. Sa main tremble légèrement. Elle signe au bas de la page.

Ngozi sourit. Mais son regard reste froid.

 

LA VRAIE MISSION

Ngozi se lève. Va fermer les rideaux. La pièce se plonge dans la pénombre.

"Adjoa..."

Sa voix baisse d'un ton. Devient presque un murmure.

"Il y a autre chose."

Elle revient s'asseoir. Se penche vers sa sœur.

"Mon mari... Komé... Je crois qu'il me trompe."

Adjoa ouvre grand les yeux. "Non ! C'est impossible !"

"Je n'en suis pas sûre. Mais j'ai des doutes."

Ngozi saisit les mains d'Adjoa. Ses bagues froides contre la peau chaude.

"Tu es la seule en qui j'ai confiance."

"Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?"

"Observe-le. Quand je ne suis pas là. Dis-moi où il va. Avec qui il parle."

Les mots tombent comme des pierres.

"Tu veux que je l'espionne ?"

"Je veux que tu protèges notre famille."

Adjoa retire ses mains. Se frotte les paumes sur sa robe.

"Je... je ne sais pas..."

"Si tu m'aimes vraiment, tu le feras."

Le silence s'installe. On entend seulement le tic-tac de l'horloge murale.

"D'accord," souffle Adjoa.

 

ENTRÉE DE KOMÉ

La porte d'entrée claque. Des pas résonnent dans le hall.

"Chérie, je suis rentré !"

Ngozi se redresse. Lisse sa robe. Remet son sourire parfait.

"Nous sommes dans mon bureau !"

Komé pousse la porte. Costume gris. Cravate desserrée. Une mallette en cuir à la main.

Il s'arrête en voyant Adjoa.

"Oh... nous avons de la visite."

"Je te présente ma petite sœur, Adjoa."

Komé pose sa mallette. S'approche. Tend la main.

"Enchanté."

Adjoa se lève maladroitement. Sa main disparaît dans celle de Komé.

"Moi... moi aussi."

Il ne lâche pas sa main tout de suite. Plonge ses yeux dans les siens.

"Ngozi m'a beaucoup parlé de vous."

"Vraiment ?"

Sa voix tremble légèrement.

"Elle va travailler ici. Comme assistante personnelle."

Komé lâche enfin la main d'Adjoa. Se tourne vers sa femme.

"Excellente idée. Tu avais besoin d'aide."

Il ramasse sa mallette.

"Je monte me changer. Le dîner sera bientôt prêt ?"

"Dans une heure."

Il sort. Ses pas s'éloignent dans l'escalier.

Adjoa reste figée. Sa main picote encore là où il l'a touchée.

"Il a l'air... gentil."

"Les apparences sont parfois trompeuses."

 

PREMIÈRE MISSION

Le lendemain matin. Ngozi claque la porte de son 4x4 blanc. Le moteur rugit. Les pneus crissent sur le gravier.

Adjoa reste sur le perron. Agite la main jusqu'à ce que la voiture disparaisse.

Silence.

Elle rentre dans la maison. Ses pas résonnent différemment quand elle est seule.

La cuisine. Elle ouvre le réfrigérateur. Saisit une bouteille d'eau. Le plastique craque sous ses doigts.

"Bonjour."

Elle sursaute. La bouteille glisse. Tombe sur le carrelage. L'eau éclabousse partout.

Komé se tient dans l'encadrement. Pantalon de jogging noir. T-shirt blanc. Cheveux ébouriffés.

"Pardon, je ne voulais pas vous effrayer."

Il s'agenouille. Ramasse la bouteille. Saisit une serpillière.

"Ce... ce n'est rien."

Adjoa s'agenouille aussi. Leurs mains se frôlent sur la serpillière.

"Vous êtes matinale."

"J'ai l'habitude de me lever tôt."

Il nettoie l'eau. Elle l'observe faire. Ses gestes sont précis. Efficaces.

"Ngozi ne m'avait pas dit que vous étiez si belle."

Adjoa rougit instantanément. Se relève d'un bond.

"Je... merci..."

"Du café ?"

Il se dirige vers la machine expresso. Appuie sur plusieurs boutons. La machine gronde. Crache de la vapeur.

L'odeur du café envahit la cuisine.

"Avec du sucre ?"

"S'il vous plaît."

Il lui tend la tasse. Leurs doigts se touchent encore.

"Appelez-moi Komé. Nous sommes famille maintenant."

 

LA DÉCOUVERTE ACCIDENTELLE

L'après-midi. Adjoa époussette les meubles du salon. Le chiffon glisse sur les surfaces brillantes.

Komé entre. Téléphone collé à l'oreille.

"Non, pas maintenant. Je t'ai dit demain."

Sa voix est tendue. Agacée.

"Écoute, on en reparlera plus tard."

Il raccroche brutalement. Le téléphone claque sur la table basse.

"Problème ?" demande Adjoa.

"Rien d'important."

Il la regarde épousseter. S'approche lentement.

"Vous n'êtes pas obligée de faire le ménage. Nous avons une femme de chambre."

"J'aime rendre service."

"Comme c'est mignon."

Il saisit sa main qui tient le chiffon. L'arrête dans son mouvement.

"Adjoa... puis-je vous poser une question ?"

Elle hoche la tête. Ses joues rosissent.

"Pourquoi Ngozi vous a-t-elle vraiment fait venir ici ?"

La question la frappe comme une gifle.

"Pour... pour l'aider dans ses affaires."

"Vraiment ?"

Ses yeux percent les siens. Elle détourne le regard.

"Oui."

"Vous êtes une très mauvaise menteuse."

Il lâche sa main. Recule d'un pas.

"Elle vous demande de me surveiller, n'est-ce pas ?"

Le chiffon tombe par terre.

"Je... non... je..."

"C'est malin de sa part. Utiliser sa propre sœur."

Il ramasse le chiffon. Le lui rend.

"Ne vous inquiétez pas. Votre secret est en sécurité avec moi."

Il sort du salon. Ses pas s'éloignent.

Adjoa reste paralysée. Le chiffon tremble dans sa main.

Il sait.

 

LES DOCUMENTS

Trois jours plus tard. La maison est vide. Ngozi en réunion. Komé au bureau.

Adjoa monte à l'étage. Le plancher craque sous ses pieds. Elle s'arrête devant la porte du bureau de Komé.

Tourne la poignée. La porte s'ouvre en silence.

Le bureau sent le cuir et l'after-shave. Ordinateur éteint. Papiers bien rangés. Stylos alignés.

Elle s'approche du bureau. Ouvre le premier tiroir.

Des factures. Des reçus. Des cartes de visite.

Le deuxième tiroir résiste. Elle tire plus fort. Il s'ouvre d'un coup.

Des dossiers. Des photos. Des lettres.

Elle saisit un dossier marqué "CONFIDENTIEL". L'ouvre.

Des photos de Ngozi. Prises à son insu. Devant l'hôpital. Dans sa voiture. Avec des hommes qu'Adjoa ne reconnaît pas.

Son cœur s'emballe.

Elle feuillette rapidement. Trouve un rapport médical. Ses yeux parcourent les mots.

"Stérilité... Irréversible... Impossibilité de procréer..."

Le document lui glisse des mains. Tombe sur le bureau.

"Alors ?"

Elle se retourne d'un bond. Komé se tient dans l'encadrement. Bras croisés. Sourire en coin.

"Vous avez trouvé ce que vous cherchiez ?"

Les mots restent coincés dans sa gorge.

"Je... je peux tout expliquer..."

"Inutile."

Il entre dans le bureau. Ferme la porte derrière lui.

"J'ai laissé ces documents exprès. Je savais que vous finiriez par fouiller."

Il ramasse le rapport médical. Le range soigneusement.

"Maintenant, vous savez pourquoi votre sœur a si peur."

Adjoa recule. Son dos heurte la bibliothèque.

"Qu'est-ce que vous voulez ?"

"Votre aide."

Il s'assoit dans son fauteuil. Croise les jambes.

"Ngozi vous utilise pour m'espionner. Moi, je vais vous utiliser pour l'espionner."

"Jamais."

"Oh que si."

Il ouvre un autre tiroir. Sort une enveloppe kraft.

"Sinon, ces photos de votre sœur avec ses amants se retrouveront dans tous les journaux de Douala."

Il fait glisser l'enveloppe sur le bureau.

"À vous de choisir."

 

FIN DE L'ÉPISODE 2
La toile se resserre...