72hr love CODE ÉPISODE 1 La Nuit du Désespoir

Rédigé le 15/11/2025
Remy Guehoada


Les néons clignotent. Rouge. Bleu. Rouge. Bleu.

Deido s'enfonce dans la nuit comme une plaie ouverte. Les ruelles suintent l'eau croupie. Des flaques reflètent les enseignes brisées. Un chien famélique traverse en boitant.

Akaba marche.

Pas de direction. Juste ses pieds qui avancent sur l'asphalte défoncé. Sa chemise blanche pend hors du pantalon. Les boutons du col ouverts. Les cheveux en désordre. Il titube légèrement. Pas ivre. Juste... ailleurs.

Un groupe d'hommes accroupis fument près d'un brasero. Ils lèvent la tête. Le suivent du regard. L'étranger. Le costume à trois mille euros dans le quartier à trois cents francs.

Akaba ne les voit pas.

Il tourne à gauche. Une ruelle plus étroite. Les murs se rapprochent. Des câbles électriques pendent comme des lianes. Une ampoule nue se balance. Crisse. Crisse. Crisse.

CLAC.

Un bruit sec derrière lui.

Akaba s'arrête. Ne se retourne pas.

"Téléphone."

La voix est jeune. Féminine. Tranchante comme une lame.

Il pivote lentement.

Elle se tient à trois mètres. Petite. Vingt-cinq ans, peut-être moins. Jean déchiré. Débardeur noir. Baskets usées. Mais c'est le regard qui frappe. Acier liquide. Pas de peur. Pas d'hésitation.


Et le couteau. Quinze centimètres de métal qui capte la lumière du néon.

"Téléphone," répète-t-elle. "Portefeuille. Montre. Maintenant."

Akaba la fixe. Trois secondes. Cinq secondes. Dix secondes.

Puis il sourit.

Pas un sourire de peur. Pas un sourire nerveux. Un sourire vide. Comme un trou noir.

"Prends tout," dit-il d'une voix plate.

Il sort son téléphone. Un iPhone dernier modèle. Le pose par terre. Sort son portefeuille. Cuir italien. Le laisse tomber. Détache sa montre. Rolex Submariner. La fait glisser sur le sol.

Les objets roulent jusqu'aux pieds d'Idaga.

Elle ne bouge pas. Ses yeux se plissent.

"Recule," ordonne-t-elle.

Akaba recule. Deux pas. Trois pas.

Idaga se baisse. Ramasse le butin. Rapide. Efficace. Le couteau toujours pointé. Elle fourre le téléphone et le portefeuille dans son sac à dos.

Elle va partir.

"Attends."

La voix d'Akaba. Plus forte maintenant.

Idaga se fige. Le couteau se lève légèrement.

Akaba fouille dans sa poche intérieure. Lentement. Sort une carte. Noire. Brillante. La lève entre deux doigts comme un trophée.

"Platinum," dit-il. "American Express."

La lumière du néon glisse sur le métal de la carte.

"Tu sais ce que ça vaut ?"

Idaga ne répond pas. Mais ses yeux trahissent l'intérêt.

Akaba avance. Un pas. Le couteau se tend vers lui.

"Pas plus près."

Il s'arrête. Tend la carte à bout de bras.

"Elle est à toi."

Silence. Juste le bourdonnement du néon.

"À une condition."

Idaga ricane. Un son sec. Amer.

"Quelle condition ?"

Akaba la regarde. Droit dans les yeux. Et son sourire disparaît.

"Tue-moi."

Le mot reste suspendu dans l'air moite.

Idaga cligne des yeux. Une fois. Deux fois.

"Quoi ?"

"Tue-moi," répète Akaba. Sa voix se brise légèrement. "Prends la carte. Prends le code. Prends tout. Mais tue-moi."

Il avance encore. Le couteau touche maintenant sa chemise.

"Je t'en supplie."

Idaga recule. Le couteau tremble. Presque imperceptiblement.

"T'es malade ?"

"Non." Akaba secoue la tête. "Je suis lucide. Pour la première fois depuis longtemps."

Il tend la carte plus près.

"Vas-y. Fais-le. Un coup suffit. Là." Il tape sur sa poitrine. "Le cœur. Rapide. Je ne résisterai pas."

Idaga fixe cet homme en costume qui lui demande de le tuer. Son cerveau tourne à pleine vitesse. Calcule. Analyse.

Puis elle baisse le couteau.

"T'es cinglé."

"Peut-être."

Elle range le couteau dans sa ceinture. Croise les bras.

"Dis-moi pourquoi."

"Pourquoi quoi ?"

"Pourquoi tu veux mourir."

Akaba rit. Un son creux. Sans joie.

"Parce qu'il n'y a plus rien."

Idaga le scrute. Ce type. Costume de luxe. Montre à cent mille. Carte Platinum. Et il veut mourir.

"OK," dit-elle brusquement.

Akaba relève la tête.

"OK ?"

"Je vais te tuer." Elle hoche la tête. "Mais pas maintenant."

Elle s'approche. Prend la carte Platinum de ses doigts.

"Voilà le deal. Tu passes 72 heures avec moi. Dans mon monde. Tu fais ce que je dis. Tu vas où je vais. Tu vis comme je vis."

Elle pointe l'index sur sa poitrine.

"Si après 72 heures, tu veux toujours mourir..." Elle tapote le couteau à sa ceinture. "Je m'en charge. Gratuitement."

Le silence revient. Lourd. Épais.

"Et si je refuse ?"

Idaga hausse les épaules.

"Tu pars. Tu te jettes d'un pont. Tu te pends. Tu te tires une balle. Je m'en fous." Elle agite la carte. "Mais tu ne récupères pas ça. Et je garde ton fric."

Akaba la regarde. Cette petite pickpocket qui négocie sa mort comme un contrat commercial.

"Pourquoi ?"

"Pourquoi quoi ?"

"Pourquoi tu fais ça ?"

Idaga sourit. Première fois. Un sourire en coin. Carnassier.

"Parce que les gens comme toi..." Elle tourne autour de lui. "Vous croyez tout savoir. Vous croyez que l'argent, c'est la vie. Et quand vous perdez un truc..." Elle claque des doigts. "Vous voulez mourir."

Elle s'arrête face à lui.

"Je vais te montrer comment on vit vraiment."

Akaba ne bouge pas. Ses bras pendent le long du corps.

Puis il hoche la tête. Lentement.

"OK."

"OK quoi ?"

"OK pour les 72 heures."

Idaga éclate de rire. Un rire franc cette fois. Elle tape dans ses mains.

"Parfait ! Bienvenue en enfer, banquier."

Elle se retourne. Marche vers la sortie de la ruelle.

"Tu viens ou quoi ?"