Le jour J se leva comme n'importe quel autre jour à Port-Harmonie, sous un ciel qui promettait une chaleur implacable. Pour Koffi, cependant, ce n'était pas un jour ordinaire. Il se leva avec un mélange d'excitation nerveuse et d'appréhension. L'étui lourd de billets, caché sous les planches mal jointes de sa chambre, témoignait de la réalité de la proposition du Colonel Koba. Aujourd'hui était le jour de la "simulation", de la "contribution à la sécurité nationale". Le jour où il gagnerait l'équivalent d'une année de labeur en une heure.
Il avait passé la nuit à tourner, son esprit agité. L'argent. La mission secrète. La confiance (apparente) que Koba lui avait témoignée. Une petite voix au fond de lui murmurait que c'était trop beau pour être vrai, que c'était étrange. Mais elle était étouffée par le chant des sirènes de la richesse, de la fin des soucis financiers, de la possibilité d'un avenir différent. Il s'était convaincu que c'était juste une procédure gouvernementale compliquée, un test grandeur nature pour voir si leurs systèmes fonctionnaient. Rien de plus. Koba l'avait dit. Et un homme comme Koba... on devait pouvoir lui faire confiance, non ?
Dans la matinée, un message cryptique arriva sur le vieux téléphone portable que Koba lui avait donné. Pas un appel, juste un texte : "Rendez-vous point rouge carte. Midi précise. Objet laissé boîte grise derrière 3ème palmier. Executer instruction unique sur papier. Discretion max. Confirmation après succes." Suivait une image satellite de basse résolution montrant une place publique qu'il connaissait bien – la Place de la Concorde, en plein centre-ville, un lieu toujours très fréquenté avec des palmiers et des bancs publics. Un point rouge clignotait près d'un groupe de palmiers.
Les instructions étaient concises, impersonnelles, presque militaires dans leur brièveté. Cela renforçait l'idée d'une opération sérieuse et officielle. Midi précis. Pas une minute de plus, pas une minute de moins. L'heure exacte ajoutait une touche dramatique qui, dans l'esprit de Koffi, cadrait bien avec une simulation de sécurité.
Il passa la matinée à faire quelques courses habituelles, mais son cœur n'y était pas. Il regardait sa montre constamment, chaque minute qui passait augmentant sa tension. Il évita ses amis bend-skinneurs, ne voulant rien laisser paraître. L'étui de billets, transféré dans une poche cousue à l'intérieur de son pantalon, pesait sur sa jambe comme un secret lourd et excitant.
À l'approche de midi, il se dirigea vers la Place de la Concorde. La Gazelle Boiteuse, fidèle, se faufilait dans le trafic dense, ignorant la nervosité de son pilote. Le centre-ville était un fourmillement constant. Hommes d'affaires, touristes, fonctionnaires, vendeurs ambulants, mendiants... toute la population de Port-Harmonie semblait converger ici. L'air était épais de chaleur, de bruits et d'odeurs – échappement, nourriture de rue, parfums.
Koffi gara sa moto un peu à l'écart, dans une rue latérale où d'autres deux-roues étaient garés. Il enleva son casque, essuya la sueur de son front. Il avait l'impression que tout le monde le regardait, bien qu'objectivement, il n'était qu'un motard parmi des centaines.
Il traversa la place à pied, essayant d'avoir l'air aussi naturel que possible. Il repéra le groupe de palmiers, le troisième exactement comme sur la carte. Derrière, semi-cachée dans l'herbe, il y avait une petite boîte grise en plastique. Il s'approcha discrètement, jeta un coup d'œil autour de lui. Personne ne semblait faire attention. Des gens étaient assis sur les bancs voisins, parlant au téléphone, mangeant un casse-croûte.
Il s'accroupit, attrapant la boîte. Elle était légère. Il l'ouvrit rapidement. Dedans, juste un petit papier plié et... un simple détonateur manuel, le genre avec un bouton poussoir et une petite diode. Une simple instruction écrite : "Activer à 12:01:30 précises."
Jungle urbaine Episode 4 L’argent et le doute
Rédigé le 22/11/2025
Raimi Sewado

