.Attention, population de Port-Harmonie. Le terroriste responsable de cette attaque lâche est... KOFFI N'GBANDI."
Le sang se glaça dans les veines de Koffi. Il entendit son nom. Son nom complet. Prononcé par la voix officielle.
"... Âgé d'environ 25 ans, étudiant à l'Université de Port-Harmonie, connu pour être motard-taxi dans le quartier de Puits-Sec..."
C'était lui. C'était sa description exacte.
"... Son visage est affiché sur tous les écrans d'information de la ville. Toute personne le voyant est priée de ne pas l'approcher et de contacter immédiatement les autorités. Cet individu est considéré comme extrêmement dangereux !"
Le mot "dangereux" résonna dans le brouhaha de la panique. Koffi leva les yeux, cherchant instinctivement un écran. Il y en avait un géant sur la façade d'un bâtiment proche, diffusant des publicités lumineuses quelques minutes avant. Maintenant, il affichait un visage en gros plan.
C'était son visage.
Sa photo d'identité universitaire, légèrement floue, mais indubitablement lui. Sous la photo, en lettres capitales rouges clignotantes : RECHERCHÉ - TERRORISTE - EXTRÊMEMENT DANGEREUX.
Sidération. C'était le seul mot. Un choc si violent que le monde autour de lui parut s'arrêter un instant. Ce n'était pas réel. C'était une erreur. Une blague. C'était...
Et puis, il vit les regards. Les gens qui fuyaient le danger s'arrêtèrent, le regardaient, puis regardaient l'écran géant. La reconnaissance, l'horreur, la peur se lisaient sur leurs visages. Des doigts commencèrent à le pointer discrètement. Des murmures se firent plus forts.
"C'est lui !"
"Le terroriste ! Il est là !"
"Fuyez !"
Le choc laissa place à une terreur glaciale. Il n'était pas dans une simulation. Il n'avait pas déclenché une sirène de test. Il avait appuyé sur un bouton qui l'avait instantanément transformé, aux yeux de sa ville, de son pays, en un monstre. Koba. La "simulation". L'argent. C'était une mise en scène gigantesque. Une manipulation cruelle et parfaite. Il était le parfait bouc émissaire. L'étudiant naïf, le motard anonyme, transformé en visage de la terreur par un homme puissant.
Les sirènes se rapprochaient. Elles étaient juste à côté maintenant. Le bruit de moteurs puissants, de pneus crissant. La Brigade Anti-Terroriste. Ils venaient pour lui.
Instinct de survie. Pur et brutal. Oubliés les études, l'argent, la confusion. Seule restait la nécessité animale de fuir. Il se retourna, bousculant les derniers attardés horrifiés. Il devait rejoindre sa moto. Vite. Tout de suite.
Il courut, fendant la foule paniquée qui se dispersait. Les cris de "C'est lui !" résonnaient derrière lui. Il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. Des hommes en uniformes sombres descendaient en trombe d'un véhicule blindé léger, leurs armes pointées.
La Gazelle Boiteuse ! Il fallait qu'il y arrive.
Il atteignit la rue latérale, bondit sur sa moto. Ses mains tremblaient légèrement en insérant la clé. Ses pieds étaient glissants de sueur et de poussière. Un coup de kick. Le moteur toussa, puis démarra avec son rugissement familier. Ce son n'avait jamais été aussi réconfortant.
Derrière lui, des voix hurlaient des ordres. Des coups de feu claquèrent. Pas vers lui, pas encore. Des tirs d'intimidation ? Ou sur la foule ? Il ne regarda pas.
Il mit les gaz. La Gazelle Boiteuse bondit en avant, s'insérant brutalement dans le flux chaotique de la rue latérale, s'éloignant de la Place de la Concorde, du vacarme, de la peur, et de son visage affiché en grand, le dénonçant comme l'ennemi public numéro un.
Dans ses rétroviseurs, il vit les uniformes sombres arriver au coin de la rue, les armes braquées dans sa direction. D'autres sirènes convergeaient.
Le monde de Koffi, construit sur les bancs de l'université et les rues de Port-Harmonie, venait de s'effondrer. Il n'était plus étudiant. Il n'était plus un simple motard-taxi. Il était "le terroriste", traqué par tous, incompréhensiblement. Sa seule chance ? Disparaître. Se fondre à nouveau dans le chaos de la ville qui, il y a quelques minutes encore, était sa maison, et qui était devenue, en un instant, un piège mortel. La course-poursuite venait de commencer.
Jungle urbaine Episode 6 La chasse est ouverte
Rédigé le 22/11/2025
Raimi Sewado

